Connu ces dernières décennies sous le nom de Gaumont Opéra, le Pathé Palace, dont seules les façades sont d’époque, le reste du bâtiment ayant été entièrement détruit pour reconstruire du neuf à la place, se veut le nouveau vaisseau amiral du groupe. Des fauteuils « club », un bar à vin, des variétés de popcorns sorties tout droit de Charlie et la Chocolaterie, … pas vraiment le genre d’expérience qui me botte, pas du tout l’idée que je me fait d’une salle de ciné. Surtout à 25 euros la place. Mais quelque chose d’autre me poussait à venir tester ce cinéma : ses écrans.
Onyx laid ?
Sur les sept salles, la plus grande est en 4K « classique », avec deux projecteurs pour le relief et de la place pour recevoir des projecteurs argentiques lors d’évènements, mais les six autres n’ont plus de cabine de projection. L’écran est une sorte de gigantesque télé, un mur de LEDs comme on en trouve en fond de scène durant les concerts, dans les décors de toutes les émissions de télévision, et même de plus en plus dans les vitrines des magasins sur les grandes avenues. Ni particulièrement excité, ni dédaigneux par avance, j’étais seulement curieux de voir ce que valent ces écrans vendus par par Samsung sous la marque Onyx. C’est dès les premières minutes d’un spectacle utilisant un mur ultra réaliste en arrière-plan (la Haine en comédie musicale) que je réalisais que la sortie de Wicked et ses couleurs chatoyantes était l’occasion idéale : si jamais ces écrans sont trop flashy, ça va très vite se voir.
Petit tour par le site internet de mon comité d’entreprise, place Gaumont-Pathé à 5,5 € en main, je me rendais sur le site de Pathé pour réserver ma place contre un supplément de 8 euros. Je m’en sors pour 13,50 euros, un prix relativement classique de multiplex, ça va.
Outre l’obligation de choisir un siège, que je déteste, on peut également précommander des popcorns et autres sucreries hors de prix qui nous attendrons directement à notre place au début de la séance. Je suis un peu surpris, et j’aurais presque voulu essayer, mais je n’y ai repensé que trop tard, il faut se décider minimum 30 minutes à l’avance.
Ça, c’est Palace !
À peine passé les portes du cinéma fraîchement érigé, deux employés / ouvreurs / vigiles vous barrent le chemin. C’est très étrange, les bornes de réservation sont derrière eux. Ce n’est pas une fouille de sac, c’est simplement un interrogatoire : avec le sourire, on vous demande ce que vous venez faire là. Assez détestable. Pas besoin de montrer mon billet, on m’invite à rejoindre le fond du hall pour rejoindre le contrôle des billets puis l’Escalator menant aux salles.
J’ai un iPhone et le billet dématérialisé dans Wallet, en NFC par défaut. Malheureusement, dans ce haut lieu du luxe, du raffinement et des dernières technologies, l’ouvreuse est, elle, équipée d’un terminal de scan de code-barres uniquement. Elle me demande d’appuyer sur le petit « i » en bas de la carte dans Wallet et je dois ensuite faire défiler l’écran car le QR Code s’affiche trop bas sur mon vieil iPhone 11 de bouseux. C’est du détail, mais c’est pas sérieux. C’est à l’image de toutes ces marques qui veulent vendre une image luxueuse mais qui ne le sont pas et ne visent en fait que les classes moyennes : on vous promet du luxe mais on vous vend du moyen de gamme emballé dans de la peinture dorée. On ne fait pas attention aux détails. Bref.
Dans le hall se trouve déjà un immense écran LED diffusant des bandes-annonces, mais avec un effet 100 Hz dégueulasse, qui rend bien mais dénature totalement l’aspect cinéma des bandes-annonces qui y sont jouées (le 100 Hz a ses fans, je fais plutôt parti de ceux qui ont tout de suite désactivé cette saleté sur leur télé).
Wicked est en salle 7, la toute dernière. Il y a grosso-modo deux salles par étage, des entre-deux, et un nombre interminable d’Escalators tous empilés les uns au dessus des autres obligeant à marcher le long de ceux-ci à chaque étage pour prendre le prochain, au lieu de les disposer en sens sens à chaque étage (comme aux Galeries Lafayette Haussman, par exemple, j’y étais juste avant, c’est quand-même plus logique).
Devant les deux salles du dernier étage, trois petits canapés qui ont l’air confortable mais sont bien sûr déjà occupés (j’étais en avance pourtant) et des toilettes. Là on a du vrai raffinement prout-prout : il n’est écrit nulle part « toilettes » ou « WC ». Seuls des pictogrammes d’homme et de fauteuil, de femme et de fauteuil, ou de deux bambins indiquent l’accès aux sanitaires. Lieux exigus d’ailleurs : aucun urinoir chez les hommes, seulement deux WC, tout jaunes mais à l’odeur étrange (le produit de nettoyage ?). Heureusement qu’il n’y avait pas foule, mais je reste assez dubitatif, même si cet étage doit accueillir moins de 200 fauteuils.
À quelques minutes du début de la séance, l’écran devant la salle indique toujours « salle en préparation, veuillez ne pas entrer ». Ce message a disparu genre, une, maximum deux minutes avant l’heure de la séance, sans que personne ne sorte.
Wicked Witch of the Opera
La salle ? Bah elle est noire. Et l’écran aussi ! C’est ça qui surprend. Sans doute à dessein (en vrai je ne sais pas ce qu’il en est dans les autres Gaumont et Pathé), entre chaque slide promotionnel il y a un court passage au noir. Ce qui dans une salle classique produit du blanc, donne ici… un noir absolu !
Dalle 4K
Au final, l’image n’est pas trop lumineuse, elle ressemble à une image de salle de ciné bien réglée (coucou les multiplex es UGC avec le projecteur pas assez lumineux [EMOJI VOMI]). Les contours des sous-titres sont très pixelisés, un peu le rendu des sous-titres sur projecteur 2K, mais en plus net donc plus visible encore. Mais à l’inverse, on ne voit pas la matrice de pixels sur le blanc des lettres. Encore heureux, puisque je compare ici une projection 2K avec un écran LED 4K ! Je me méfierai d’une séance passée au premier rang par contre. J’étais au centre de la salle, et je me demande si depuis le ou les premiers rangs, on ne va pas commencer à voir l’espacement entre les LEDs… Ah je regrette de ne pas avoir testé avant le début de la séance !
Ce n’est pas une claque pour moi. Ce n’est ni mieux, ni moins bien qu’une projection de qualité. Oui le contraste doit être bien meilleur, mais y fait-on réellement attention quand on est plongé dans un film ? La seule chose que cet écran règle1, c’est le soucis de reflet des blocs de secours, mais ça concerne les salles avec des sorties au bas de l’écran et qui gèrent mal leurs BAES. Certes elles sont nombreuses, on en connais tous. Mais est-ce que le coût en vaut la chandelle ?
Ces écrans doivent coûter extrêmement cher (la vidéo que je vais vous insérer plus bas doit évoquer le prix, mais je ne m’en souviens plus, et c’est amené à évoluer) et je me pose la question de l’entretien : certes, écran LED ou vidéo-projecteur sont tous garantis, si un problème survient le vendeur ou le fabriquant vont en principe réparer pendant quelques années, mais on a là des centaines (milliers ?) de petits blocs de LEDs alignés au poil de cul, qui peuvent tous potentiellement tomber en panne. Certes un vidéo-projecteur est un appareil fragile, avec une optique installée et réglée au poil de cul, une dalle LCD ou une puce DLP dont il faut prendre soin également, mais j’ai quand-même l’impression qu’il y a moins de pièces. Mais certaines sont mobiles alors que tout est inerte sur un écran LED… hum… À voir avec le temps. J’ai très peur des pixels morts sur ces nouveaux écrans, mais on en trouve aussi sur les VP et j’ai déjà eu une séance avec un projecteur à la dalle complètement cuite, plusieurs gros pixels noirs un peu partout.
Atmos partout, grosse claque nulle part
Donc voilà. C’est bien, mais c’est pas fou-fou. Ce n’est pas ça qui va vous plonger plus dans le film. D’autant que le son était bien sans plus également. Toutes les salles sont sensées être Dolby Atmos, il y a des enceintes partout au plafond, Wicked est lui-même certifié Atmos… pourtant je n’ai ressenti aucune spatialisation. Le son venant de devant et des côtes de l’écran. Et quand il était autour de moi, c’était un peu le même son tout autour de moi. Je n’avais pas non-plus l’impression d’entendre chaque instrument se détacher. J’ai un peu de mal à décrire ça, vous vous en rendez compte. Mais ce n’était pas « Gravity ».
Mais je n’ai pas parlé d’un point particulier de cette salle : ses fauteuils.
Ils ont équipés de deux ports USB (type A et type C), d’un bouton rouge qui, euh, fait passer la lumière du pupitre du bleu au rouge, et de deux boutons pour régler électriquement le siège.
Alors le bouton rouge déjà, en vrai et vu les petites vagues (à moins que ce ne soit des flammes) dessinées dessus, ça semble être du chauffage. Mais je n’ai rien senti. On peut appuyer deux fois sur le bouton avant qu’il ne repasse au bleu, donc il doit y avoir deux puissances de chauffage, et ça repasse au bleu automatiquement après quelques minutes. Mais comme je n’ai rien senti, tout ceci est à prendre au conditionnel.
Le port USB C fonctionnait. J’ai pu ressortir de la salle avec mon téléphone chargé à 100 % et c’est plutôt agréable. Par contre, déjà mon câble étant blanc j’avais peur qu’il ne me dérange durant la séance ; difficile de trouver une place au téléphone : sur la tablette il est trop voyant j’aurai envie de m’en servir, en dessous il n’y a pas assez de place (certes mon iPhone 11 du pauvre n’est pas un 16 Max, mais ce n’est pas non plus un SE !). Je l’ai glissé entre moi et l’accoudoir, en m’arrangeant pour qu’il ne me touche pas, mais j’avais peur qu’il glisse entre l’assise et l’accoudoir et ne se fasse broyer quand je réglais l’inclinaison du siège.
Car oui, les sièges sont donc inclinables électriquement. Un premier bouton fait avancer l’assise puis basculer le dossier en arrière, un second géré l’inclinaison de l’appui-tête. Sauf que… baaah, ça n’était pas très confortable. J’étais content de pouvoir m’allonger un peu, mais niveau maintien de la tête c’était pas ça. L’appui-tête est trop haut quand on glisse dans le fauteuil, ma nuque n’était pas maintenue, j’ai pas aimé. En fait, j’ai même pris mal aux cervicales. Genre comme quand je m’allonge sur mon canapé avec un coussin plié en deux derrière la tête (si des kinés me lisent, ils vont rouler des yeux et soupirer : je suis désolé). Du haut de mon mètre quatre-vingt, j’avais l’impression d’être un gamin dans un fauteuil pensé pour les adultes.
Tant pis. Ah, un autre truc relou, la lumière bleue qui encadre le petit tableau de bord : le miens était caché par mon accoudoir, mais à chaque fondu au noir, mon œil était inévitablement attiré par celui de mes voisins de droite. Ça c’est hyper agaçant. Et très con : on a un écran sensé réduire les lumières parasites à zéro (contraste, blocs de secours, point chaud, …) mais on en créé de nouvelles dans les fauteuils [EMOJI FACEPALM]
Plus c’est grand, plus… ah ben non en fait
Au passage, attention, la grande salle est équipée de fauteuils classiques (enfin presque : ils les appellent « club » (je ne suis pas d’accord) et ont quand-même un double accoudoir). C’est un peu surprenant, traditionnellement la plus grande salle d’un cinéma est aussi la plus prestigieuse, ici c’est tout l’inverse. Par contre la place est quand-même à 25 euros, juste pour le son et l’image certifié(e)s Dolby [EMOJI BRAS LEVÉS] (Note : je vérifie à l’instant et la grande salle du Pathé Beaugrenelle, pour une séance en salle Dolby Atmos + supplément Dolby 3D, est à 26,20 euros !).
Aller, un bon point pour la séquence de sortie : on ne nous fout pas dehors par une sortie de secours, on repasse forcément par le hall (enfin vu que tout est blanc, ce n’est pas très différent d’une sortie de secours). Et on se re-farci ces escalators qui ne me plaisent décidément pas ! Et un truc rigolo : dès la fin du générique, tous les fauteuils se redressent automatiquement pour revenir dans leur position la plus verticale, ça m’a fait sourire 🙂
Concluons
Bref, les salles de cinéma en France continuent de me mettre de plus en plus mal à l’aise, en proposant une prestation de moins en moins naturelle, de plus en plus désagréable, codée, qui s’apparante plus à une expérience que l’on fait une fois, comme aller visiter les USA, s’offrir une croisière ou un sac de marque, qu’à un divertissement populaire sortant chaque semaine de nouveaux films.
Je me demande à qui s’adresse le Pathé Palace, ou le Pathé Beaugrenelle d’ailleurs : pas en terme de classe sociale (ça ça saute aux yeux) mais en terme de cinéphiles. Ces salles sont pensées pour les blockbusters (et encore, niveau son c’était pas mémorable, et j’ai encore mal aux cervicales trois heures après), mais à moins d’être banquier ou footballeur, qui pourrait aller voir tous les Marvel dans une salle à 25 euros la séance ? On en revient au côté évènementiel. On y va une fois, pas deux. Mais du coup, ce n’est plus un cinéma, c’est une expérience (pour ne pas dire piège) à touristes, on va au pathé Palace comme on va au musée Grévin. Un selfie devant l’écran dans le hall, un autre dans le fauteuil en cuir marron avec son popcorn et son verre de fin bien visibles. Entre les deux, rien à faire, les couloirs sont d’une tristesse infinie avec leurs murs désespérément blancs. On dirait un immeuble neuf, que les locataires n’ont pas encore investi. Même le Pathé Beaugrenelle était plus audacieux. Je vais être honnête, j’aimerai bien être « riche » (même si ce mot reste à définir), mais je n’aime pas du tout la définition actuelle du « luxe ».
Post Scriptum :
Si vous voulez en savoir plus sur les écrans Onyx LED ou sur le Pathé Palace, je vous laisse avec la vidéo ci-dessous. Son auteur est assez agaçant à s’émerveiller de tout sans aucun recul critique, mais ses vidéos restent intéressantes d’un point de vue technique :
- Avec le point chaud et le rendu flou des écrans métallisés, mais ça malheureusement, la mode du relief cheap a fait des ravages… ↩︎