C’était aujourd’hui sur Europe 1, il était quelque chose comme 13h55. Europe 1 midi se termine. Florent Mothe et Solal, interprètes de Mozart, l’opéra rock sont invités pour conclure cette émission sur laquelle je viens juste de tomber. C’est mercredi, c’est le jour des enfants, qui sont d’ailleurs invités à poser leurs questions aux artistes. L’émission est présentée par Wendy Bouchard, grande professionnelle à la classe inégalée qui sort spontanément un « on s’en fout » à un enfant qui bafouille. C’est pas grave.
Quand soudain, Solal, 51 ans, chanteur qui n’en est pourtant plus à sa première comédie musicale, après avoir connu Starmania et Adam et Eve d’Obispo (y aurait-il comme un trou dans sa bio Wikipedia ? Bon j’oublie un Tristan et Yseult produit par Pierre Cardin entre les deux), Solal, donc, balance ça :
« Il y a une spécificité du ‘French Musical’ comme le disent les Américains, ça veut dire que la comédie musicale française fait une grande place à l’acting, au théâtre, etc, on est le seuls finalement à avoir des vraies scènes, des tirades, des scènes de théâtre etc, alors que généralement les Américains, eux, ne font *que* chanter – ça ne veut pas dire que c’est pas bien hein – mais ils ne font que chanter du début à la fin. En fait c’est une spécificité française. »
(Solal, 21 mai 2014 sur Europe 1)
Je m’étouffe. Donc dans Cabaret, dans Wicked, on ne parle pas. Into the Woods où les Misérables sont la norme. En France on parle, non pardon, on joue la comédie, et aux États-Unis on ne fait que chanter.
Parce que oui, en plus, genre, nous on le fait bien. C’est d’ailleurs connu : on ne prend pas de simples chanteurs pour nos comédies musicales (rien que de le formuler de cette façon m’arrache la peau des doigts sur le clavier), on prend des coooooomédiens. Des aaaaaartistes multi-facettes.
Alors oui je peux parler, je n’ai pas été voir Mozart, l’opéra rock. Qui au passage est le seul « spectacle musical » (ça leur va mieux que comédie musicale) français qui me tenterait un minimum. Mais non. Même pas lui. Et surtout pas dans des palais des congrès, voir des palais des sports. On ne va pas voir une comédie musicale dans un gymnase !
Je me suis contenté de voir, tout dernièrement à la télévision et par hasard, le making-of de Robin des Bois avec Matt Pokora : c’était horrible. Personne ne jouait juste. Mais je ne vais pas perdre mon temps à démontrer ici par A + B que les spectacles musicaux Français sont merdiques : on écrit des tubes pop pensés comme des albums de variété et ensuite on les fait chanter sur une immense scène de spectacle, la plus grande possible. Entre les chansons on ajoute des dialogues pour dire que c’est une *comédie* musicale. Quelques draps en guise de décors. Et des danseurs, plein, pour remplir la scène, qui feront du hip-hop (la Tecktonik est démodée).
Les gosses adorent l’album de variété, mais en plus ils amènent toute la famille à dépenser des centaines d’euros pour venir voir le spectacle qui va autour. C’est magique.
Une comédie musicale, c’est raconter une histoire en chanson, sur scène.
Le « French Musical » c’est vendre des albums en faisant du story-telling autour.
Si vous voulez réécouter l’interview, elle est téléchargeable (bouton « télécharger » sous le player à gauche) sur cette page pour une durée indéterminée.
L’interview commence à 1h02, vous y entendrez Wendy Bouchard lancer la séquence par un merveilleux « si vous aimez les comédies musicales, les show à la mode de Broadway, on en a de magnifiques en France, des productions comme celle de ‘Mozart-opéra-rock’. ». Mot pour mot.
Le point de vue de Solal sur l’acting dans les French Musicals est à écouter à partir de 1h12.
Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. L’exception culturelle française a encore de beaux jours devant elle.