Les tournages en pleine rue à la télé, ça pose un problème aux chaînes : le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel n’aime pas qu’on y voit apparaître des marques.
Il semblerait que les règles du CSA ne soient pas très claires. Moi j’en ai compris ça : il est interdit de faire de la publicité. C’est à dire de vanter un produit ou une marque en particulier. Mais si vous filmez dans une rue, les enseignes et les logos sont tous mélangés, ce n’est clairement pas de la publicité volontaire et appuyée, donc ça, fort logiquement, ça passe.
Mais le CSA doit être un organisme terrifiant au pouvoir de sanction ultra-puissant (LOL (MDR (ROFL))) qui semble tétaniser les chaînes. Ainsi on se retrouve, en studio, avec des animateurs se dépêchants de citer toutes les marques de voiture qui leurs passent par la tête dès qu’un invité prononce « Renault » ou « Peugeot ». Absurde.
Et de la même manière, on voit tous les jours des chaînes tenter par tous les moyens de ne pas montrer ouvertement de marques dans leurs micro-trottoirs. Et c’est le sujet de cet article.
Technique #1 : on s’en fou
Technique la plus simple, la plus noble : on sait ce qu’on vaut, on ne fait pas de pub, on se contente d’informer ou d’amuser. Dans mon exemple, je remarque la pub pour TV Grandes chaînes sur la porte du magasin. L’affiche à côté, je crois que c’était le téléphone portable jetable de Bic.
Pour les maillots, le PSG est un club très commercial, qui vend plein de produits sous licence, mais il ne faudrait plus parler de foot si on ne voulait pas le montrer. Les sponsors c’est compliqué aussi, ça fait partie intégrante du sport de compétition à haut niveau.
Le Petit journal peut se targuer de faire du journalisme : par défaut le journalisme informe, il est sérieux, ça tombe sous le sens qu’il ne ferait jamais de publicité volontaire, donc il n’hésite pas à ne rien faire contre la pollution publicitaire : la vie est pleine de logos, le journalisme montre la vie.
On notera que les journalistes du Petit journal ont des bonnettes (le truc en mousse qui protège le micro du vent) imprimées avec le logo de l’émission : c’est un classique.
On notera aussi que, sur la seconde capture, le journaliste oublie de tourner son micro : son émission n’est plus reconnaissable à l’écran.
« OSEF » me direz-vous ? Pas pour tout le monde visiblement, puisque c’est exactement le sujet de mon article. Nous reviendrons donc sur ce détail un peu plus loin.
Technique #2 : le « floutage »
Ce néologisme dont on ne sait même pas s’il faut écrire « floutage » ou « flouttage », c’est le grand classique à la télé. D’abord utilisé pour masquer le visage d’une personne témoignant anonymement (perso, j’ai une préférence pour le cadrage en contre-jour 👌🏼), la peur du CSA a vite imposé cette technique dans les micro-crottoirs. Mais comme les images bougent, il faut modifier la zone de floue quasiment en continu. C’est beaucoup de travail. Donc on a vite trouvé une autre solution.
Technique #3 : le mode miroir
Oui, « mode miroir », comme dans un jeu vidéo de course : on retourne horizontalement l’image, tout bêtement.
C’est magique ! (comme dans « miroir magique » ?) Ah le CSA va être content : on ne reconnait plus aucune marque ! Avouez : le salon Jean-Louis David vous ne l’aviez pas reconnu ! La boutique Comptoir des Cotonniers non-plus ! Et alors l’enseigne Franprix au fond, c’est devenu vachement plus dur de l’identifier !
Dommage que ce ne soit pas le sujet de cet article, sinon j’aurais écrit « un peu débile les règles du CSA, non ? ».
Technique #4 : le micro inversé !!!
Et nous en arrivons au cœur de mon intervention. J’ai remarqué ça cette semaine, pour la première fois. Ce n’est peut-être pas nouveau — à ma décharge je ne regarde plus beaucoup la télé, et encore moins les émissions que je vais évoquer ci-dessous — mais je trouve ça super malin, et tout con à la fois.
Le cas TF1 :
Observons Christophe Beaugrand dans un de ses reportages pour 50 minutes inside. En l’occurence, sa toute dernière prestation durant le festival de Cannes.
Au début du reportage tout est normal : Beaugrand tient un micro équipé d’un badge (ou « carré micro ») présentant le logo de TF1 et celui de l’émission. L’image est dans le bon sens : on voit une enseigne à l’arrière-plan et (non visible sur cette capture) le volant du combi Volkswagen est à gauche.
Quand viennent des images d’un photocall, le flux vidéo est inversée pour « masquer » (SIC) le logo des sponsors.
Notez comme le micro de la chaîne allemande RTL s’en retrouve retourné lui aussi : on reconnait mal les lettres sur ma capture, mais le carré bleu est à gauche et le rouge à droite, alors que c’est l’inverse normalement :
Si ce n’est pas assez flagrant pour vous, voici un second exemple :
Mais… ça se sont de bêtes images d’illustration. Le Tof Beaugrand, il n’est pas là pour des vacances. Lui aussi il a des interviews à faire. Lui aussi il va être obligé de les mener devant les murs publicitaires des photocalls.
Vous voyez où je veux en venir ?
Si Christophe Beaugrand interview les stars avec son micro TF1 et qu’ensuite l’image est retournée, son micro va être inversé aussi, et le logo TF1 avec.
MÉGA SURPRISE ! L’arrière-plan est à l’envers, mais le micro est à l’endroit !
Sorcèlerie ? Non, simplement Christophe Beaugrand et son équipe doivent avoir en stock deux badges de micro : le premier imprimé à l’endroit, pour les séquences les plus classiques, et un second, dont les logos sont imprimés à l’envers, pour les photocalls ! C’est tout simple, encore fallait-il y penser.
Du coup, en extérieur, il arrive que ça coince malgré tout :
ici Beaugrand était en extérieur, tranquille, mais au montage on a certainement jugé préférable de mirrorer l’image pour rendre méconnaissable le logo Adidas (je n’évoquerai pas les trois bandes, ce n’est même pas nécessaire).
Le Petit journal ne fait pas tant d’états d’âme. Mais 50 minutes inside n’a aucune vocation journalisitique.
Le cas D8
Et TF1 n’est pas la seule à avoir eu cette idée. Dans Touche pas à mon poste, Camille Combal s’y est mis également. Plus haut je vous montrais un micro-trottoir qu’il avait réalisé avec une image retournée et un micro neutre, sans badge. Les choses ont bien changé :
Le turfu est dans le détail
C’est l’avenir. On parle d’ultra HD, de JT en 3D (non, ça on en parle plus, ouf), de chaînes sur internet… mais l’évolution, c’est aussi prendre plus de temps pour des détails. En même temps que les technologies se miniaturisent et se rendent plus accessibles, elles font gagner du temps. Et ce temps gagné, il est réinvesti dans du détail. On retravaille les logos de la chaîne sur Photoshop pour les retourner (mais on les imprime directement au bureau). On se balade avec 2 carrés de micro au lieu d’un (mais le matériel prend moins de place dans le sac). Comme un jour on a commencé à flouter à tout vas (les ordinateurs le permettaient) ou à mettre des écrans géants sur tous les plateaux (merci la démocratisation des LEDs).
Vous souvenez-vous des micros avec écran LCD de BFMTV ? C’était lors de l’élection présidentielle de 2012 je crois. Nous ne les avons pas revus depuis. Moi je trouvais ça amusant. Ont-ils été jugés trop bling-bling ? Du coup, seraient-ils restés à l’antenne si Sarkozy avait été réélu ? Des questions auxquelles je ne répondrai pas ici.